Présentation


Projet de recherche

Des « conduites urbaines » à la sécurité routière : jalons pour une histoire de la construction sociale du risque routier en France et en Égypte

1. Un projet d’histoire sociale comparée

Cette recherche tentera d’écrire l’histoire de deux sociétés dans leur confrontation au risque routier. Elle vise à interroger, par une triple approche, historique, sociologique et sémiologique, l’opposition tranchée reprise en général à leur compte par les politiques de sécurité routière entre un passé ou des lieux où l’accident serait conçu comme une fatalité, et un avenir ou des sociétés développées où celui-ci serait perçu comme un risque évitable, mesurable et maîtrisable.

Ces deux histoires ont sans doute une plus grande proximité qu’il n’y paraît. Au delà des oppositions préconstruites entre Nord et Sud, ou entre le fatalisme prêté aux Orientaux et le rationalisme de la prévention, il s’agirait d’examiner, au cours du temps et dans deux pays que tout semble opposer, les politiques publiques, les pratiques, enfin les représentations de la circulation. Le postulat sur lequel repose cette étude est que la circulation est un lieu d’observation privilégié, en un lieu et un temps donnés, de « conduites légitimes ». L’une de ses hypothèses centrales, celle qui justifie un regard décentré et comparatif, est que les « conduites à risque » pourraient renvoyer, dans leur légitimation comme dans leur pratique, à un modèle de circulation intégrant les conduites d’honneur.

2. Une triple approche disciplinaire

L’architecture globale du projet dans sa version présentée en avril 2004 demeure la même que celle qui a été présentée en septembre 2003. Il s’agira en premier lieu de définir les étapes de l’invention d’une politique publique, notamment dans tout ce qui précède la prise en compte, au plus haut sommet de l’État, de la question de la sécurité routière : campagnes de presse en France dès la Belle Époque et constitution d’associations de défense des piétons (Mathieu Flonneau), histoire l’enseignement public de la sécurité routière (Didier Nourrisson), de la construction d’un appareil statistique (Jean Orselli), histoire des tensions et des arbitrages entre fluidité et sécurité dans la capitale égyptienne (Frédéric Abécassis).

Il s’agira aussi, à partir d’une analyse de type sémio-historique, de faire une histoire comparée des images de l’automobile et de l’insécurité routière : histoire des films et documents pédagogiques (Didier Nourrisson), de l’automobile au cinéma (Sabastien Le Pajolec et Christian-Marc Bosséno), des publicités des constructeurs automobiles (Delphine Blanco), des campagnes sociales en faveur de la sécurité routière (Camille Picard), des jeux vidéo (Louis-David Delahaye). En ce qui concerne la partie égyptienne, la diffusion de l’automobile est inséparable d’un contexte para-colonial, où celle-ci est un objet de modernité d’origine étrangère accaparé par les élites urbaines. Son appropriation très limitée, à l’époque libérale, par une nouvelle classe moyenne, l’effendiya, cristallise autour d’elle des enjeux très forts en termes de protection des piétons, des véhicules à traction animale, ou de partage de l’espace public. Elle contribue ainsi à la revendication d’une modernité « indigène », qui transparaît dans les caricatures, les magazines ou le cinéma égyptien des années 1940 (Lucie Ryzova).

Le troisième axe de nos recherches, d’approche plus sociologique, devrait s’attacher à mettre en évidence la construction sociale des normes de conduite : codes de la route informels à partir d’enquêtes auprès de professionnels de la route en Égypte (Frédéric Abécassis et Denis Ardisson), pratiques différenciées des pouvoirs publics et des forces de l’ordre selon l’espace d’intervention (Marie Vogel), construction sociale et justification des conduites dangereuses (Denis Ardisson).


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Version initiale du projet (septembre 2003) - 116.4 ko

Dernière mise à jour le lundi 7 février 2005.

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